Meriem El Yajouri : Une astronome passionnée par la diffusion des sciences décroche le Prix Camille Flammarion « L’interview »

Réalisé par Drihem Mohammed
Meriem El Yajouri la jeune figure Marocaine marquante dans le domaine de l’astronomie et de l’astrophysique vient de recevoirrécemment le Prix Camille Flammarion pour sa contribution exceptionnelle à l’initiative intitulée « Les Étoiles du Petit Prince », un projet de médiation scientifique itinérante qui vise à partager la passion de l’astronomie avec les jeunes.
Meriem El Yajouri a obtenu son doctorat en astronomie et astrophysique de l’Observatoire de Paris et a reçu le prix d’excellence IAU PhD Prize de l’Union Astronomique Internationale en 2018. Elle a également mené des recherches postdoctorales à l’Institut d’Astrophysique Spatiale de l’Université Paris-Saclay, où elle a étudié les régions de formation d’étoiles à l’aide des observations du télescope spatial James Webb de la NASA.
Meriem El Yajouri est très engagée dans la diffusion des sciences et la vulgarisation de l’astronomie auprès du grand public. Elle est la présidente cofondatrice de l’association Space Bus Maroc et coordonne le bureau NOC Morocco de l’Union Astronomique Internationale. Son projet « Les Étoiles du Petit Prince » est un exemple concret de son engagement pour partager la passion de l’astronomie avec les jeunes.
A souligner que ce projet de médiation scientifique itinérante a pour objectif de relier en avion léger la Suisse, la France et le Maroc pour aller à la rencontre d’élèves qui ne croisent jamais de scientifiques. Plus de 15 écoles ont été visitées et plus de 1000 élèves ont pu bénéficier de présentations, séances de planétarium et ateliers sensoriels.
Le Prix Camille Flammarion est un témoignage de l’excellence de Meriem El Yajouri dans la médiation scientifique. Ce prix récompense les efforts des jeunes chercheurs qui partagent leurs connaissances avec le grand public de manière enthousiaste et rigoureuse tout en poursuivant des recherches scientifiques de haut niveau.
Nous avons eu l’occasion de discuter avec Meriem El Yajouri de son projet « Les Étoiles du Petit Prince » et de son engagement pour la diffusion des sciences.
Journaleco : Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer ce projet ?
Meriem El Yajouri : L’idée originale vient de Brice Demory, pilote et chercheur à l’Université de Berne en Suisse, qui souhaitait organiser une tournée scientifique entre la Suisse, la France et le Maroc, en s’inspirant des vols légendaires de l’Aéropostale.
Lorsqu’il a évoqué ce projet avec ZouhairBenkhaldoun, directeur de l’Observatoire universitaire Cadi Ayyad, celui-ci m’aimmédiatement proposée pour coordonner les actions au Maroc, grâce à mon expérience avec la caravane scientifique SpaceBus Maroc et mon rôle au sein du bureau national de diffusion des sciences de l’Union Astronomique Internationale (NOC-IAU Maroc).
J’ai été tout de suite séduite, car ce projet correspondait exactement à ce que je défends depuis des années : rendre la science accessible directement dans les salles de classe, en particulier dans les régions du sud marocain.
Ce qui m’a particulièrement portée tout au long de l’aventure, c’est aussi l’équipe des Étoiles du Petit Prince. Une équipe soudée et enthousiaste aux expertises variées, animée par une même envie de transmettre. Ce projet s’est construit à plusieurs voix, et toujours en lien étroit avec les associations locales qui font un travail remarquable sur le terrain.
Le projet a pris son envol grâce aux avions légers mis à disposition par Virginie Mouseler, pilote et marraine du projet, et au soutien de la Fondation Saint-Exupéry pour la Jeunesse. Ces appuis nous ont permis de créer une initiative unique et innovante, inspirée par l’univers du Petit Prince et l’héritage de Saint-Exupéry, capable d’aller plus vite et d’atteindre plus de publics que jamais auparavant.
Enfin, l’accueil chaleureux des élèves, enseignants et directeurs dans chaque école a été un moment fort de cette aventure. Le ministère de l’Éducation nationale et ses académies régionales nous ont accompagnés à chaque étape. C’est un partenariat qui illustre que la société civile et les universités peuvent agir ensemble au service de l’école publique.
Journaleco : Et qu’est-ce que vous espérez accomplir avec ?
Meriem El Yajouri : Les Étoiles du Petit Prince est une initiative à triple portée : scientifique, éducative et profondément humaine.
Sur le plan scientifique, le projet s’inscrit dans une collaboration de long terme entre le Center for Space and Habitability (CSH) de l’Université de Berne et l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, à travers la faculté des sciences Semlalia et l’Observatoire d’Oukaimeden. Depuis plusieurs années, ces équipes travaillent ensemble sur la recherche d’exoplanètes rocheuses autour d’étoiles froides, comme le système TRAPPIST-1, en s’appuyant notamment sur l’observatoire SAINT-Ex au Mexique, dirigé par le CSH.
Au-delà de la recherche, cette collaboration vise à construire des ponts durables en favorisant la mobilité étudiante, en soutenant la formation, et en co-développant des projets de diffusion scientifique à fort impact. Les Étoiles du Petit Prince est né dans ce contexte, comme une extension naturelle de cette dynamique entre Berne et Marrakech.
Sur le terrain, notre objectif est d’allumer une étincelle et de faire en sorte qu’elle ne s’éteigne pas. Dans chaque école visitée, nous proposons la création de clubs d’astronomie, nous laissons du matériel pédagogique, et surtout, nous gardons le lien. Ce sont les enseignants, les élèves et les associations locales qui font vivre le projet, longtemps après notre passage.
Enfin, ce projet repose sur la force de la rencontre humaine, et sur l’impact que peuvent avoir des modèles féminins visibles. Il se passe quelque chose quand on entre dans une classe, qu’on s’assoit avec les élèves, qu’on prend le temps d’échanger et de les écouter vraiment. Parfois, il suffit d’un instant pour faire naître une vocation.
Et dans chaque école, ce sont les filles qui viennent vers nous. Parfois timidement puis avec des questions pleines de curiosité et d’audace. Voir devant elles une femme astronome, une pilote ou une ingénieure change leur regard. Ce n’est plus un rêve inaccessible. C’est tangible et elles se projettent.
Et parfois, cette identification suffit à faire naître une petite voix intérieure qui dit : « Et si c’était moi ? ».
Journaleco : Les étoiles du petit prince c’est quoi ?
Meriem El Yajouri : Les Étoiles du Petit Prince est un projet de médiation scientifique itinérant lancé en 2024, qui combine astronomie, aviation et sciences en géneral. Inspiré par l’histoire de Saint-Exupéry et l’Aéropostale, le projet relie des écoles marocaines, françaises et suisses autour d’ateliers scientifiques, d’observations, métiers scientifiques et d’échanges de lettres entre élèves.
Pendant une semaine, une équipe de scientifiques, médiateurs et pilotes a survolé le Maroc depuis Berne en passant par Toulouse, menant des activités dans huit villes avec un planétarium mobile et des télescopes. En une semaine, nous avons traversé huit villes :De Tanger à Ouarzazate, en passant par Essaouira, Agadir, Tan-Tan, Tarfaya, Laâyoune, Zagora… Plus de 1000 élèves ont participé souvent dans des zones rurales où l’accès à la science est très limité.
Journaleco : Qu’est-ce que vous pensez du Prix Camille Flammarion ?
Meriem El Yajouri : Ce prix a une valeur particulière à mes yeux, car il reconnaît une dimension souvent invisible du métier de scientifique : celle de transmettre.
On parle beaucoup de publications, de résultats, de découvertes et c’est évidemment fondamental. Mais le fait de se rendre dans une école, dans un village ou dans une place publique, pour parler de science avec des enfants ou des familles, c’est aussi faire avancer la science. C’est une autre forme d’impact. Une autre façon de susciter des vocations, de créer du lien, et de faire exister la science.
Recevoir ce prix pour Les Étoiles du Petit Prince, c’est bien sûr une immense fierté, mais surtout un encouragement adressé à toute l’équipe qui croit, comme Camille Flammarion, que l’astronomie est faite pour être partagée.
Journaleco : Un appel aux jeunes astronomes en herbes votre population cible au Maroc ?
Meriem El Yajouri : Je sais à quel point l’accès à la science peut sembler lointain, voire inaccessible. Et je sais aussi combien ce sentiment peut être encore plus fort quand on est une jeune fille.
Mais la science n’est pas un monde réservé à une élite. On commence souvent par une question simple, un moment d’émerveillement ou un regard étonné.
Que vous ayez un télescope ou juste une fenêtre ouverte sur les étoiles, ce qui compte, c’est votre curiosité. Et cette curiosité mérite d’être nourrie, encouragée et valorisée.
L’astronomie, c’est une manière de se poser des questions, d’apprivoiser sa planète comme le Petit Prince, et de se découvrir soi-même à travers l’infini des possibles.
Alors n’attendez pas qu’on vous donne la permission de rêver.