L’université marocaine et le numérique.. Perspectives et défis
On ne peut pas nier que l’enseignement supérieur en tant que vecteur du marché de l’emploi est plus que jamais appelé à produire des profils adaptés aux besoins d’une société en profondes mutations. Par ailleurs, remédier au déphasage entre les pratiques enseignantes convenues et le contexte culturel et économique de la société du savoir passe par une modernisation des systèmes éducatifs et leur engagement dans une dynamique innovante.
Les technologies d’information et de communication (TIC) sont susceptibles d’apporter une contribution intéressante aux pratiques pédagogiques. Or , leur usage se heurte encore aux défis de l’enseignement numérique nécessitant la mobilisation de nouvelles compétences qui tiennent compte de la complexité de l’usage des TIC dans l’enseignement de différentes disciplines.
Cependant, plusieurs enseignants, avec collaboration de l’administration de leurs établissements universitaires, se sont déjà lancés ce défi en s’engageant dans la conception de projets et dispositifs novateurs dans le domaine du numérique éducatif et ils ont mis en œuvre de nouvelles approches lors de l’implantation des TIC dans leurs pratiques professorales comme la création d’environnements hypermédias dynamiques pour dispenser des formations ouvertes à distance, la création et l’ animation de communautés d’apprentissage en ligne, l’élaboration de diverses ressources numériques, etc.
Afin de préparer les jeunes à réussir, l’adoption du numérique devient une nécessité par l’université marocaine qui doit les aider à acquérir ces compétences décisives en matière des technologies d’information et de communication (TIC), mais cette nouvelle orientation a des défis énormes. Ces défis que l’université doit relever exigent un renouvellement des pratiques pédagogiques et des méthodes d’enseignement. On ne peut plus enseigner comme l’on a appris. Le traditionnel cours magistral, qui reste prégnant dans la plupart de nos universités, avec un amphi surchargé, où l’enseignant, incarnant le rôle du sachant, s’adresse à des centaines d’inconnus est de moins en moins pertinent. Il suscite démotivation et absentéisme.
En outre, la sagesse exige des nouvelles manières d’enseigner, centrées sur l’étudiant, s’imposent aujourd’hui: des méthodes actives comme l’approche par projet ou par problème, les simulations ou les études de cas qui permettent de mobiliser les connaissances transversales des apprenants et les impliquent dans leur apprentissage. «J’entends et j’oublie, je vois et je me souviens, je fais et je comprends ». Il faut aussi varier les styles d’apprentissage pour inclure tout type d’apprenant.
Cependant, ces innovations pédagogiques peuvent être facilitées et soutenues par le recours à des outils TIC à condition toutefois de recenser les besoins pédagogiques et d’identifier les ressources techniques qui peuvent y répondre efficacement. Certains de ces outils peuvent rendre les cours en amphi plus interactifs (dispositifs mobiles, réseau sans fil, boîtiers de vote ou tableaux numériques interactifs (TNI)). Elles peuvent aussi rendre l’apprentissage plus attractif ou favoriser l’expérimentation. C’est le cas de l’utilisation de E-Learning, MOOCs, TP virtuels, etc.
Au niveau de ce nouveau dispositif pédagogique, le professeur devient un accompagnateur, un guide et une des ressources que les étudiants sollicitent durant leur parcours d’apprentissage. Cette nouvelle orientation lui permet d’améliorer sa propre efficacité, de trouver un nouveau sens à sa mission et de rester pertinent aux yeux de ses étudiants.
Or, Cette orientation numérique en pédagogie universitaire ne peut toutefois donner de résultats, en termes d’amélioration de l’efficacité des apprentissages, que si elle est adoptée par les enseignants. C’est aussi une question complexe qui ne se limite pas à mettre de simples outils au service de la pédagogie. Elle nécessite du temps et des efforts immenses, et implique un changement radical dans la manière d’enseigner et d’encadrer ainsi que la réforme des modules ou des cours. Il y’a aussi une deuxième question qui apparait plus compliquée que la première, en l’occurrence, beaucoup d’enseignants sont des immigrés du numérique et ne sont pas préparés à une telle transformation de leur métier. Et la quasi-totalité des enseignants chercheurs ne sont malheureusement pas convaincu de l’intérêt pédagogique des ces outils pédagogiques. Et c’est là où réside un des enjeux majeur pour l’université marocaine dans les années qui viennent: accompagner les enseignants dans ces adaptations et engager, avec eux, le chantier de l’innovation pédagogique, dans une logique de co-construction.
L’Université Sultan Moulay Slimane vient de développer des filières en mode hybride (l’apprentissage à distance et en mode présentiel). D’autres institutions comme l’Université Hassan II, l’Université Kadi Ayad et l’Université Ibn Toufail ont suivi cette voie, quand d’autres donnent le sentiment qu’elles tiennent davantage du cours de rattrapage. Les initiatives se multiplient mais le système pédagogique universitaire, dans sa globalité, a peu changé à un moment où, dans la plupart des pays, les universités sont en train d’opérer des changements à grande vitesse.
Parmi l’un des avantages pilotes de la numérisation, on distingue la gouvernance et la consolidation de la capacité d’accueil de l’université pour faire face à la croissance des effectifs qui ne sera supportable que par une optimisation des infrastructures et ressources pédagogiques complémentaires de l’enseignement selon les méthodes classiques et une organisation des services offerts.
M. Hamid ECHCHARYF, Professeur Chercheur en droit privé – Membre du Laboratoire de Recherche en Sciences Juridiques politiques et communication – Faculté Polydisciplinaire Béni Mellal – Université Sultan Moulay Slimane.